13 mai 2020,
En 2006, la Commission Européenne soulignait dans son étude Benchmarking 2006 le retard pris par la France en matière d’éducation à partir des TIC. Près de 15 ans plus tard, la situation a-t-elle changé? Petit reportage sur l’une des universités pionnières dans l’utilisation des TIC : l’Université de Bretagne Occidentale.
Il est 8h du matin à Brest, ville bretonne de 300000 habitants. François Darieu, le nouveau doyen de la Faculté des Lettres, considérée comme l’une des plus avancées de France, sourit et donne rapidement le ton : «Bienvenue dans un monde nouveau!».
À l’écoute du slogan, nous restons dubitatifs, car l’université nous semble à première vue comme les autres. Dehors, une poignée étudiants discutent et prennent le café dans le hall d’entrée. A l’intérieur, salles, escaliers imposants et bureaux administratifs aux teintes hospitalières se côtoient pour esquisser le décor de la faculté de Sciences Sociales et Humaines. Qu’y a-t-il de si “nouveau” dans ce monde ? Nous le découvrirons une demi-heure après, alors que le doyen nous amène au premier étage.
En 2006, la Commission Européenne soulignait dans son étude Benchmarking 2006 le retard pris par la France en matière d’éducation à partir des TIC. Près de 15 ans plus tard, la situation a-t-elle changé? Petit reportage sur l’une des universités pionnières dans l’utilisation des TIC : l’Université de Bretagne Occidentale.
Il est 8h du matin à Brest, ville bretonne de 300000 habitants. François Darieu, le nouveau doyen de la Faculté des Lettres, considérée comme l’une des plus avancées de France, sourit et donne rapidement le ton : «Bienvenue dans un monde nouveau!».
À l’écoute du slogan, nous restons dubitatifs, car l’université nous semble à première vue comme les autres. Dehors, une poignée étudiants discutent et prennent le café dans le hall d’entrée. A l’intérieur, salles, escaliers imposants et bureaux administratifs aux teintes hospitalières se côtoient pour esquisser le décor de la faculté de Sciences Sociales et Humaines. Qu’y a-t-il de si “nouveau” dans ce monde ? Nous le découvrirons une demi-heure après, alors que le doyen nous amène au premier étage.
Dans sa main droite, un petit paquet de croissants, dans l’autre, un smarf dernière gen : “Vous voyez cette porte”? Il approche le petit appareil électronique d’un code QR brillant au coin d’une porte de salle de cours. “Qu’en pensez-vous?”. L’écran multicolore du téléphone affiche les horaires du prochain cours et un résumé des objectifs de la leçon. « Nous avons aimé et adopté le concept de réalité augmentée[1] » affirme fièrement monsieur Darieu. Après cette surprenante expérience, le doyen nous laisse continuer notre promenade en compagnie de Thérèse Dominguez, professeure de littérature hispano-américaine. Cette jeune agrégée nous accueille pour nous expliquer comment son travail a changé depuis l’introduction à l’université du projet TIC, destiné à remplacer l’enseignement présentiel classique par un modèle d’enseignement e-learning et b-learning[2]: “En début de semestre, nous mettons à la disposition de l’étudiant un calendrier, un guide didactique, les cours et les autoévaluations sur notre plateforme on-line. Tout doit être fin prêt pour la rentrée. L’année dernière (année de l’introduction du projet) ça n’a pas été facile, il a fallu nous remuer, car nous n’étions pas habitués à travailler en équipe et moins encore à développer des classes harmonisées. Nous n’étions pas non plus très enclins à donner tant d’indications à l’étudiant-e tout au long de son apprentissage. Heureusement, des experts de l’UNESCO nous ont aidés et nous y sommes arrivés tant bien que mal ! Aujourd’hui, c’est plus facile, nous avons nos repères et nos propres bases.»
Dans cette université, la majorité des 18000 inscrit-es ont adopté les cours e-learning pour des raisons financières et temporelles (en effet, dans ce système, l’apprenant-e adapte ses horaires d’étude à ses disponibilités). « En lettres modernes, nous pouvons étudier en e-learning ou en b-learning. Moi j’ai décidé d’étudier en b-learning » raconte Marie, une étudiante en L3 croisée dans un couloir. “Je vis à 5 minutes de la fac, je viens donc pour assister aux cours et aux évaluations finales. Pour le reste, j’étudie de manière autonome sur internet. J’ai un guide didactique dans chaque unité d’enseignement avec toutes les indications du prof, mes cours en pdf et en vidéo, des autoévaluations pour savoir où j’en suis ; les professeur-es m’évaluent de manière continue à partir de ma participation aux débats, organisés sur diverses questions du cours, et de fiches de lecture d’ouvrages que nous devons rédiger chaque mois, partagées ensuite sur le blog de notre formation. Il faut dire que je m’exprime plus librement sur le blog qu’en salle…C’est vraiment valorisant! Si j’avais suivi la formation e-learning tout aurait été pareil, sauf que les cours en présentiel seraient remplacés par des cours en ligne et j’aurais présenté mon mémoire et mon évaluation finale par visioconférence.” Ce nouveau modèle d’apprentissage a été introduit à la faculté de Sciences Sociales de Brest en 2019. L’investissement est important puisque, pour concrétiser ce projet, 30 employés (techniciens TIC, responsables de projet e-learning/b-learning, ingénieurs pédagogiques, social media manager, community manager etc.) ont du être recrutés et tout un équipement numérique a dû être installé (caméras HD, ordinateurs portables dans chaque salle, réseau wifi nouvelle génération etc.). Pour trouver les fonds nécessaires, l’université a pu compter sur l’appui de plusieurs institutions, dont l’Union Européenne (fonds FEDER et FSE pour la région Bretagne dans le cadre du programme “développement numérique du territoire”, le Ministère de l’Education supérieure (dans le cadre du programme de soutien aux projets numériques), l’UNESCO (mise à disposition d’experts), la Fédération Nationale des Sourds de France et la Fédération des Aveugles de France. Le doyen précise à ce propos : “notre projet a une vocation intégratrice. Ici nous offrons des formations réellement ouvertes à tous les publics”.
[1] La réalité virtuelle est une technologie ajoutant une information virtuelle sur un élément réel de l’environnement de l’apprenant-e.
[2] Le b-learning est un système d’apprentissage combinant le e-learning et la formation présentielle.
[1] La réalité virtuelle est une technologie ajoutant une information virtuelle sur un élément réel de l’environnement de l’apprenant-e.
[2] Le b-learning est un système d’apprentissage combinant le e-learning et la formation présentielle.
Dans la salle 222, le professeur Etienne Dupont fait son cours d’Histoire médiévale. Jean, interprète en langue des signes, se tient à ses côtés, alors qu’Hélène, community manager, publie sur twitter des citations du professeur et rassemble toutes les questions des élèves qui suivent la conférence en direct, chez eux sur internet. L’équipe enseignante est filmée par deux caméras HD connectées à un serveur qui diffuse le cours vidéo sur la plateforme on-line de l’université à 150 autres étudiants e-learning répartis dans toute l’Europe. Une fois le cours terminé, le professeur répond aux questions des élèves en présentiel ainsi qu’à celles collectées par le community manager durant le cours. “J’admets qu’au début, ce n’était pas évident, je n’y connaissais en informatique que le fameux C2i2 obligatoire de mon temps. Puis, finalement, j’ai adopté les TIC et depuis, j’ai vraiment l’impression d’appliquer mes idéaux de mai 2013. A cette époque, nous luttions pour que la manière d’apprendre soit réellement constructiviste mais il était difficile de mettre ce principe en pratique dans nos sombres amphis désertés. Je crois qu’on a réussi maintenant. En tout cas, pour ma part, j’ai vraiment l’impression d’interagir et de mieux connaître mes étudiant-es qu’avant.” Et comment! Le professeur n’interagit pas seulement avec ses étudiants par l’intermédiaire de débats évalués qu’il organise et en répondant aux questions twitter ; il suit également la progression de ses élèves à partir d’un portfolio annuel (également évalué) que l’étudiant-e créé à partir de ses travaux universitaires et périacadémiques. Pour mener à bien ce travail, le professeur est accompagné de tuteurs et tutrices (le plus souvent des doctorant-es) sur lesquels l’étudiant peut également compter pour se motiver ou en cas de doute. Sans le portfolio, Etienne Dupont aurait sûrement ignoré certains talents de ses étudiants comme ceux de Louis, étudiant en Histoire et créateur de maquettes historiques. Louis a aidé son professeur d’histoire à réaliser une exposition de châteaux médiévaux sur Second Life, et ce en collaboration avec les universités de Berlin et d’Oxford. “Intégrer les nouvelles technologies nous a réellement facilité la création de liens avec d’autres universités. Dans notre cas, c’est Anna, une de nos étudiantes on-line en master 2 d’Histoire résidant en Allemagne qui nous a facilité la mise en relation avec l’équipe de l’Université de sa ville pour que nous réalisions cette exposition virtuelle. Hier, nous étions des experts en contenus et en transmission, aujourd’hui nous sommes devenus des créateurs de liens et je crois que c’est bénéfique pour l’apprentissage de l’étudiant” précise le professeur Dupont.
Après cette journée d’enquête, nous sommes convaincus: en moins d’une décennie, l’éducation supérieure en France a réellement fait un pas de géant dans l’incorporation des nouvelles technologies aux modèles d’apprentissage. Il semble que toute l’équipe de la faculté de Sciences sociales et humaines de Brest ait su en tirer parti : en un an, elle a accueilli 500 nouveaux inscrits.
Après cette journée d’enquête, nous sommes convaincus: en moins d’une décennie, l’éducation supérieure en France a réellement fait un pas de géant dans l’incorporation des nouvelles technologies aux modèles d’apprentissage. Il semble que toute l’équipe de la faculté de Sciences sociales et humaines de Brest ait su en tirer parti : en un an, elle a accueilli 500 nouveaux inscrits.